Il y a quelques semaines, j’ai eu le grand plaisir d’être reçue à la Tour d’Argent. A en juger par le nombre de personnes qui m’en ont parlé après avoir vu les photos de cette visite sur les réseaux sociaux, c’est vraiment un endroit mythique qui fait toujours rêver…
Découvrir la Tour d’Argent, c’est aussi pénétrer dans un lieu chargé d’histoire. Nous avons été accueilli par Thomas Maimbourg, qui est l’argentier de la maison. Il est chargé d’accueillir les clients mais aussi d’entretenir le patrimoine important du lieu.
A propos
Bienvenue sur Turbigo-Gourmandises ! Je m’appelle Sophie Seïté et j’ai créé ce blog de cuisine en 2011 pour partager mes recettes avec mes amis, ma famille et plus si affinités ! Au fil du temps, il est devenu le cœur de mon activité et s’est enrichi de plus de 2000 propositions gourmandes, dont les ingrédients privilégient la saisonnalité et la provenance locale. Je prends beaucoup de plaisir à mitonner des petits plats et autres desserts puis à les publier dans cet espace depuis ma Bretagne natale. Bonne découverte…
Après être entré dans le vestibule où l’on vous débarrasse de vos manteaux, vous passez dans le salon où vous pouvez commencer par déguster un apéritif (et admirer l’authentique chaise à porteurs ci-dessous !).
Vous serez ensuite guidé vers l’ascenseur qui vous mènera au 6ème étage où se trouve le restaurant.
L’Histoire raconte qu’il fut créé en 1582 par Rourteau, un grand Chef cuisinier. Il se dit qu’Henri III y aurait découvert la fourchette, un tout nouvel instrument de table à l’époque utilisé par des gentilshommes italiens (photo ci-dessous). Mais aussi qu’Henri IV venait y déguster poule au pot ou pâté de héron.
La Révolution française a raison de l’établissement qui est saccagé et fermé.
Il est reconstruit et on retrouve sa trace dans des écrits datant de 1860. En 1890, Frédéric Delair, un ancien maître d’hôtel devenu propriétaire des lieux, met au point la désormais célèbre recette du “caneton Tour d’Argent”.
Le canard est découpé devant le client à bout de fourchette, avec beaucoup d’adresse. La presse à canard ci-dessus est en argent et a été fabriquée par la maison Christofle.
Elle sert à écraser la carcasse du canard et à récupérer le sang qui est utilisé pour faire la sauce. La presse est manipulée dans le spectaculaire théâtre, au centre de la pièce (ci-dessous).
Frédéric Delair était fier de cette recette et tellement sûr de sa pérennité qu’il décida en 1890 de numéroter les canards cuisinés par la Tour d’Argent. Le millionième canard de la Tour d’Argent a été servi le 29 avril 2003 !
En 1911, André Terrail achète le restaurant de la Tour d’Argent à Frédéric Delair. Il épouse ensuite la fille du propriétaire du Café Anglais sur le boulevard des Italiens et se retrouve par la même occasion à la tête d’une cave incroyablement riche.
Le restaurant est néanmoins fermé pendant la période de la première guerre mondiale.
Le Tout Paris s’y presse à la réouverture de l’établissement. En 1922, André Terrail fait l’acquisition de l’immeuble voisin et a l’idée de génie d’ajouter un étage supplémentaire en 1936, avec une grande baie vitrée qui permet de jouir d’une vue exceptionnelle sur la Seine, l’ile de la Cité et la cathédrale Notre Dame.
L’établissement reçoit sa 3ème étoile au guide Michelin en 1933.
En 1940, l’État-major nazi investit les lieux. Le fils d’André Terrail, Claude, alors âgé de 23 ans prend la décision de murer la plus grande partie de la cave pour préserver les 500 000 bouteilles qui s’y trouvent.
Ayant pris soin de laisser à disposition une petite partie de celle-ci, l’astuce ne sera jamais découverte et le faux mur sera détruit à l’issue de la guerre dévoilant ses trésors cachés et préservés.
Une partie de la cave ainsi qu’une sélection d’objets ont été vendus aux enchères en 2016 lors de l’arrivée du Chef Philippe Labbé. Mais cela reste une cave impressionnante en volume puisqu’elle compte environ 350 000 bouteilles…
Le caveau à dégustation est absolument splendide et certaines bouteilles sont exceptionnelles, comme cette Fine Clos de Griffier de 1788.
Au début du XXème siècle, John Pierpont Morgan, un richissime américain de passage à Paris émit le souhait de faire l’acquisition d’une bouteille de ce type. Il se heurta à un refus. De retour à la Tour d’Argent, il demanda à visiter la cave et en profita pour subtiliser une des bouteilles de Clos de Griffier.
Rentré aux États-Unis, il adressa un courrier et un chèque du montant de la bouteille à André Terrail. Chèque qui se révéla sans provision… On nous a indiqué que la descendance de cette personne est toujours blacklistée à la Tour d’Argent…
Le jour de ma visite, nous avons eu la grande chance de pouvoir déguster les fameuses crêpes Mademoiselle de la maison, qui sont proposées au dessert et réalisées au guéridon, à la table des clients.
Vous pouvez retrouver toutes les explications de cette recette sur l’excellent site Un oeil en salle.
Elles sont servies avec un sorbet minute au caillé de lait cru, qui est réalisé parallèlement aux crêpes Mademoiselle.
Le restaurant de la Tour d’Argent a perdu sa 3ème étoile en 1996, puis sa deuxième étoile en 2006 (année du décès de Claude Terrail) en pleine époque de la crise aviaire. Il en conserve une.
Au fil des années, de nombreuses célébrités se sont pressées au restaurant. Les murs qui mènent à l’ascenseur sont recouvert de témoignages, photos et dédicaces d’hommes politiques (JF. Kennedy, Gorbatchev, l’Empereur du Japon Akihito, Bill Clinton, Elisabeth II, etc.), d’acteurs ou réalisateurs (Bourvil, David Lynch, Steven Spielberg, Brad Pitt, Angelina Jolie, … ), d’artistes (Arman, Hergé, Albert Uderzo, …) pour n’en citer que quelques-uns.
De nos jours et depuis 2006, c’est André Terrail, deuxième du nom, qui est à la tête de ce joyau. La Tour d’Argent compte désormais une boutique où l’on peut acheter les produits estampillés de la maison : champagne, conserves de foie gras, sélection de vins, mais aussi pâtes à tartiner ou confitures (à retrouver sur l’e-boutique).
Et depuis 2016, le commun des mortels peut même acheter son pain à la Boulangerie de La Tour, sur le trottoir d’en face.
Le menu n’est pas affiché à l’extérieur du restaurant (mais il l’est dans le vestibule, si votre timidité ne vous empêche pas de franchir la porte). Sachez que le menu du déjeuner est à 105 €, et celui du soir est… nettement plus onéreux.
A tester pour une occasion un peu exceptionnelle…
Restaurant La Tour d’Argent
15-17 quai de la Tournelle
Paris 5
Edit : Le mythique restaurant a été totalement rénové et a rouvert ses portes fin 2023 avec une toute nouvelle allure et une nouvelle offre….