MOF Fromager, l’excellence concourt à Rungis

Se rendre à Rungis est à chaque fois un vrai bonheur que je savoure à l’avance. Il faut en effet obtenir son précieux sésame pour y entrer quand on n’y travaille pas.

La dernière fois, j’avais visité les pavillons de la viande, du poisson et des fruits et légumes et même cuisiné dans les coulisses de L’Aloyau mais cette fois, nous nous sommes concentrés sur les fromages, y compris dans le cadre du prestigieux concours MOF Fromager.

Chèvres, camemberts, époisses, comté, en petites portions, en grosses meules, à pâtes dures, à pâtes molles, AOC qui côtoient fromages industriels, de France et de Navarre et même d’ailleurs, il y en a pour tous les goûts !

Nous avons pu visiter la cave de stockage des comtés, qui sont amoureusement veillés par Jean-Marie Estrade; nous entretenir avec Sophie Desailly, quatrième génération de fromagers; et même papillonner dans les coulisses d’un très prestigieux concours. Suivez-moi, je vous raconte cette folle matinée !

Quelques chiffres pour commencer :  65 829 tonnes de produits laitiers et avicoles ont transité par Rungis en 2012.  Ce ne sont pas moins de 65 grossistes  et 53 courtiers et sociétés d’import export qui travaillent au sein de cette ruche pour un chiffre d’affaires de 1 546 465 K€.

Le choix de fromages est immense et Rungis sert les plus belles tables de Paris mais aussi, par exemple, les supermarchés.

Sophie Desailly est une femme de caractère qui s’occupe de l’entreprise familiale. Elle goûte et sélectionne les produits laitiers qu’elle propose à ses clients et gère sa société (70 personnes) d’une main de maître.

Son arrière-grand-père a créé la société en 1934 et son grand-père l’a développée en étant le premier à importer du fromage de Hollande. A la suite de son père qui l’a embauchée après une période de chômage, elle a dû faire ses preuves en passant par tous les postes !

Aujourd’hui, elle porte toutes les casquettes, du choix des produits jusqu’aux employés qu’elle embauche. Ayant d’ailleurs fait ses preuves “sur le tas”, elle n’hésite pas à embaucher des personnes non diplômées mais prêtes à se lever le matin. Des bosseurs, en fait, car il faut être d’attaque très tôt pour Rungis.

Si le fromage le plus populaire reste le comté, les préférences de Sophie vont au Saint-Nectaire fermier, au Cantal ou au Salers. Du pis de la vache jusqu’à votre assiette, les fromages ont été scrupuleusement sélectionnés.

Là encore, il y a un amour du travail, du produit : des personnes qui ont l’amour du bel ouvrage, tout simplement !

Nous avons pu visiter la cave de stockage des comtés, qui sont amoureusement veillés par Jean-Marie Estrade. Il les bichonne, teste leur qualité à l’aide d’une sonde. Il les “carotte” et peut ainsi vérifier leur degré de maturité. Un comté dont la pâte est trop sèche et cassante sera ainsi déclassé et finira sa vie en râpé (ce qui n’est pas si mal !).

Les meules sont marquées pour assurer la traçabilité (fromagerie d’origine, numéro de lot). Elles sont notées sur 20. Une note supérieur à 15 : bande verte; une note de 12 à 15 : bande brune et enfin, celles qui n’atteignent pas 12 perdront l’appellation comté et finiront en Kiri ou autre Vache qui rit…

L’étiquette sur le contour du comté n’est donc pas là pour “faire joli” mais bien un gage de sa qualité. Privilégiez la couleur verte !

Une autre belle surprise de cette visite a été de pouvoir observer les coulisses du concours du Meilleurs Ouvriers de France Fromager. La dernière fois que j’ai interviewé des MOF, c’était deux professionnels de la tapisserie travaillant pour l’entreprise Jules Pansu. J’avais été impressionnée par leur amour du travail bien fait et la totale maîtrise de leur art…

Quand on décide de concourir pour ce titre, c’est un choix personnel qui nécessite un long travail en amont car les exigences de l’examen sont très élevées. On peut se présenter tous les 4 ans et il faut bien compter 2 ans de préparation. Ce titre est uniquement décerné en France, par catégorie de métiers.

C’est donc un concours entre professionnels et c’est le COET (Comité d’Organisation des Expositions du Travail) qui l’organise.

Seuls les titulaires du diplôme ont le droit d’utiliser le signe “MOF” et le titre « Un des meilleurs ouvriers de France Fromager » dans l’exercice de leur profession. Il faut être âgé de plus de 23 ans pour s’inscrire et être en mesure de démontrer une maîtrise professionnelle.

Le candidat devra ainsi prouver sa parfaite connaissances des produits, ses capacités organoleptiques appliquées à la sélection des produits et faire preuve de créativité afin de mettre en valeur les produits.

Mais pas seulement : il doit connaître la législation (relative aux AOC, AOP, IGP, STG, Label Rouge, autres labels et principaux décrets) et la règlementation, les traditions régionales, les races laitières, le vocabulaire lié à la profession, les technologies de fabrication, etc.

Affiner et conserver les produits, avoir des connaissances élémentaires en gestion, maîtriser la réalisation de spécialités crémières ou fromagères et aussi mettre en valeur les produits à la vente font partie du métier. Le futur MOF devra d’ailleurs savoir conseiller le client, l’informer sur les produits et réaliser découpes et emballages.

Les candidats sont en effet jugés sur leurs connaissances, mais aussi l’hygiène et le soin apporté aux produits.
Nous avons pu discuter avec Christian Janier, Meilleur Ouvrier de France en 2000.

Seule une note globale supérieure à 16 permettra au candidat d’être diplômé. Ceux qui l’obtiendront recevront la distinction suprême de leurs pairs, si lors du concours personne n’atteint cette note, il n’y aura aucun diplômé. Il en va ainsi de l’excellence…

Les dégustations sont cadrées : les fromages écroutés et taillés de la même manière… Imaginez le niveau de difficulté !

Le jury du concours 2015, un concentré de MOF dont Xavier Thuret , Bernard Mure-Ravaud, Laetitia Gaborit, et Josiane Déal (ceux dont je n’ai pas le nom m’excuseront).

Les tables de dégustation (après la bataille 😉 !) :

Ci-après un aperçu des vitrines des 30 candidats en lice. J’ai vraiment eu beaucoup de joie à les regarder, elles donnaient tellement envie. Le candidat doit proposer des produits imposés (dont je n’ai pas la liste mais je crois que le gorgonzola était de toutes les vitrines et c’était amusant de voir les différentes façons de le présenter, comme ci-dessous).

Il y avait d’ailleurs des fromages que je ne connaissais pas. Si la France “est un grand plateau de fromages”, assurément ils étaient bien représentés ici !

Mon chouchou de l’hiver : la tête de moine tout en haut de l’article 😊

Le gorgonzola :

Les résultats seront proclamés dans une quinzaine de jours et les prochains examens auront lieu lors du Salon de l’Agriculture. Les candidats ayant réussi cet examen seront donc connus en 2015.

Voila, j’espère que cette virée fromagère à Rungis vous aura plu. Il ne vous manquait que l’odeur et la possibilité de goûter !
Un grand merci aux membres de l’Organisation du concours pour leur patience , à Camille et à Philippe Stizy pour leur gentillesse et leur enthousiasme à nous faire découvrir Rungis.