Je n’ai pas pu résister à rédiger ce titre parce j’ai supposé que la référence au livre de Roald Dahl ne pourrait que vous donner envie de me suivre dans cet univers gourmand.
En fait, j’ai reçu mon golden ticket pour visiter ce qui ne s’appelle plus la chocolaterie mais bien la Manufacture Michel Cluizel avec une joie incommensurable. Ici, pas de Oompas-Loompas dansant pour fabriquer le chocolat mais des employés travaillant de longue date dans une entreprise qui privilégie la proximité en employant les villageois de Damville et alentours, où l’usine est installée.
A propos
Bienvenue sur Turbigo-Gourmandises ! Je m’appelle Sophie Seïté et j’ai créé ce blog de cuisine en 2011 pour partager mes recettes avec mes amis, ma famille et plus si affinités ! Au fil du temps, il est devenu le cœur de mon activité et s’est enrichi de plus de 2000 propositions gourmandes, dont les ingrédients privilégient la saisonnalité et la provenance locale. Je prends beaucoup de plaisir à mitonner des petits plats et autres desserts puis à les publier dans cet espace depuis ma Bretagne natale. Bonne découverte…
Certaines personnes travaillent dans l’usine depuis près de 40 ans et les anciens viennent encore saluer les actifs et acheter du chocolat. Willy Wonka s’appelle Michel Cluizel et n’a pas eu besoin de mettre sur pied une loterie pour se trouver un successeur : trois de ses quatre enfants ont pris la relève et travaille dans la Manufacture, le quatrième, Pierre ayant ouvert un “dimanche à Paris”, un autre espace gourmand !
Nous avons passé la journée en compagnie de Catherine, qui s’occupe des boutiques et de Marc, désormais à la tête de l’entreprise. Sylvie gère la comptabilité et les finances de l’Entreprise.
La saga Cluizel a démarré avec Marc et Marcelle, les parents de Michel. Installés à Rambouillet en 1934 dans une boulangerie pâtisserie, ils décident 13 ans plus tard de vendre leur fonds de commerce pour “monter à Paris” et espérer ainsi prospérer davantage.
Mais dans cette période d’après-guerre, l’inflation est telle que l’argent récolté grâce à la vente du fonds de commerce n’a plus aucune valeur. Ils se décident donc à quitter Rambouillet pour Damville, où Marcelle vient d’hériter d’une maison de famille.
Marc décide qu’il y fabriquera les chocolats qu’il ira ensuite vendre à Paris. Les débuts sont difficiles et alors qu’il est prêt à renoncer, son épouse, une maîtresse femme de caractère qui le soutient totalement, le convainc de persévérer, certaine qu’il va y arriver.
Et de fait, les affaires décollent, leurs chocolats de grande qualité étant remarqués et très appréciés. Ils agrandissent les locaux et en 1964, ce ne sont pas moins de 50 personnes qui travaillent dans la chocolaterie…
Apprenti dans l’entreprise de ses parents dès l’âge de 16 ans, on peut donc dire que Michel Cluizel a trempé dans le chocolat dès sa plus tendre enfance !
Dans une vidéo que nous avons regardé au musée, il explique d’ailleurs que c’est de voir le soin apporté à la confection des boites de chocolat et la joie de ceux à qui elles étaient destinées qui a forgé son destin…
A 29 ans, c’est lui qui achète un terrain en dehors du village de Damville pour y construire une chocolaterie plus grande (1800 m2) et prendre ainsi un virage industriel.
Durant de nombreuses années, le chiffre d’affaires se développe et les chocolats sont en grande partie vendus de façon “anonyme”, c’est à dire par d’autres canaux de distribution : chocolaterie, pâtisserie, etc., sans que la marque n’apparaisse.
Aujourd’hui, la surface de production de Damville est 10 fois plus grande qu’en 64 : 18 000 m2 d’où sortent 1400 tonnes de chocolat par an (avec pas moins de 1500 références).
L’entreprise a fait le choix en 2012 de se rebaptiser en manufacture pour coller de plus près à sa réalité. N’importe qui peut revendiquer l’appellation chocolatier : il suffit d’en vendre.
Stricto sensu, une manufacture est un lieu dans lequel les produits sont fabriqués à la main par les ouvriers. J’ai eu l’occasion de voir que ce terme n’est pas vide de sens : Jérôme, par exemple, se bat ainsi quotidiennement avec du feuilletage praliné qu’il couve du regard jusqu’à obtention de la caramélisation souhaitée qui peut varier selon, par exemple, le degré d’hydrométrie.
Il le malaxe jusqu’à ce qu’il ait la bonne texture pour être mis en forme. Ces ouvriers sont de vrais artistes ! La grande majorité des chocolats nécessite des opérations manuelles.
La technique, le geste, le produit : c’est ce qui est d’ailleurs mis en avant par la «com’» de l’entreprise : les photos que l’on retrouve dans les boutiques ou dans les boites de chocolat sont de vraies personnes qui travaillent dans la société et non des mannequins.
Michel Cluizel revendique un savoir-faire pointu et technologique sur le chocolat. Celui-ci ne contient aucun arôme mais seulement de la gousse de vanille bourbon. Petite question : saviez-vous que le terme «arôme naturel de vanille» peut être attribué à un extrait obtenu à partir de la fermentation de la …betterave ?!
Les Cluizel mettent un point d’honneur à ne travailler que des ingrédients nobles et n’hésitent pas à créer de nouvelles machines et développer de nouvelles technologies. Ainsi, alors que le beurre et la crème contenus dans les ganaches s’oxydent rapidement, ils ont mis au point avec l’institut Pasteur un procédé qui permet d’enrober les particules et de les protéger de cette oxydation, prolongeant leur durée de conservation.
Ici, le chocolat ne contient pas d’autre matière grasse végétale que du beurre de cacao à 100%. Pas de soja, ni d’OGM grâce à la maîtrise totale de la chaine d’approvisionnement et de fabrication.
Côté confiserie, on retrouve le même souci de qualité : les cerises au kirsch des futurs chocolats fourrés sont faites maison, marinées en fût de chêne pendant 18 mois…
J’ai vraiment apprécié cette journée et ai trouvé les Cluizel très «intellectuellement» honnêtes. Je veux dire par là qu’ils ont un discours cohérent, qui n’est pas juste un vernis marketing.
Ils ont développé depuis des décennies des relations avec les planteurs de cacao au Mexique, à Saint-Domingue, en Papouasie Nouvelle Guinée, à Sao Tomé ou encore à Madagascar, selon un cahier des charges rigoureux. Michel Cluizel s’est engagé à garantir un prix d’achat constant et des conditions de travail respectueuses des personnes.
L’entreprise encourage également les planteurs à travailler en Bio et sa tablette «Los Ancones bio» a d’ailleurs été primée dans 3 catégories (chocolatier / relation avec les planteurs et bio) aux Organic Food Awards 2010. A l’heure où le «développement durable» est très en vogue et parfois une coquille vide comme on peut le voir dans l’actualité, l’approche qualitative de Michel Cluizel est similaire à celle des Grands et Premiers Crus de Bordeaux ou de Bourgogne.
Novatrice, l’entreprise a d’ailleurs créé il y a quelques années l’appellation «cru» pour ses cacaos, qui a été reprise par ses compétiteurs et bien souvent galvaudée. Désormais, la nouvelle appellation sera «plantation» pour coller encore au plus près de la réalité.
Michel Cluizel importe les cabosses puis torréfie lentement les fèves. C’est un des rares cacaoféviers au monde à fabriquer lui-même son chocolat. Tout le travail de transformation est ainsi réalisé à Damville, pour un produit 100% France !
Les saveurs exceptionnelles de ces chocolats est obtenu grâce aux arômes de constitution liés au terroir des fèves et au «cépages», aux arômes de fermentation déclenchés dans les plantations dès la cueillette des cabosses et enfin aux arômes de torréfaction à basse température qui les développe au lieu de les brûler.
Dans une même volonté de savoir-faire, mais aussi de «faire savoir», les Cluizel ont ouvert deux musées du chocolat : le premier à Damville en 2002, puis un second en 2012 à West Berlin, aux États-Unis où se trouve également une usine.
Ces Chocolatrium® initient le grand public aux saveurs des bons produits, et à leur dégustation. Les coffrets pédagogiques vendus en boutique permettent de partager les chocolats en dégustant au mieux le cacao.
Récemment, lors du dîner du 70ème anniversaire du D-Day, le dessert, un biscuit normand poire caramel dégusté par de nombreux invités et chefs d’état dont Barack Obama, portait la marque du chocolatier normand.
Un honneur qui a fait très plaisir au petit garçon dont les parents cachaient des anglais dans leur cave durant la guerre et à qui on avait dit «si tu en parles, ce serait très grave, tu pourrais ne plus nous revoir»…
L’un des écueils auquel l’entreprise Michel Cluizel doit faire face aujourd’hui, c’est de faire mieux connaître cette qualité. Ayant vendu ses merveilleux chocolats sous couvert d’anonymat pendant de nombreuses années, la marque n’est pas très connue du grand public.
A l’heure où le consommateur choisit éventuellement les produits qu’il achète en fonction du prix et non du rapport qualité / prix, les chocolats Michel Cluizel sont vendus environ 98 € le kilo, ce qui est bien moins cher que ses concurrents souhaitant jouer dans la même catégorie. Mais peut sembler onéreux aux consommateurs s’il ne perçoit pas la grande qualité du produit. Un challenge que l’entreprise a à cœur de remporter.
La gamme Secrets de pros propose désormais toute une gamme de produits destinés au grand public. Vous pouvez retrouvez sur leur site des recettes proposées par le chocolatier et ma recette de mousse au chocolat praliné noisettes caramélisées réalisée avec la pâte au praliné à 89%. C’est encore plus agréable d’utiliser des produits de qualité quand on connait leur provenance 😄 !
Je ne peux que vous recommander de goûter les chocolats Michel Cluizel si vous ne les connaissez pas. Si vous les connaissez, je n’ai sûrement pas besoin de vous convaincre…
Pour avoir vendu du Cluizel durant 15 ans , ça restera ma plus belle aventure en tant que vendeuse un vrai bonheur un gage de qualité irreprochable …Beau reportage ..Caly
Je vois que cela reste encore très artisanal, c’est bien !! Une chouette visite encore, qui me met l’eau à la bouche …