Je vous emmène aujourd’hui à la découverte d’un produit que vous appréciez peut-être, sans forcément savoir comment il est fabriqué. On part en direction du Québec pour découvrir les secrets de fabrication du sirop d’érable.
Je m’y rends au moins une fois par an, généralement l’été, mais cette fois j’ai eu la chance d’y aller au printemps, au début du Temps des sucres, quand l’eau commence à s’écouler des érables. Cela faisait très longtemps que j’en rêvais !
A propos
Bienvenue sur Turbigo-Gourmandises ! Je m’appelle Sophie Seïté et j’ai créé ce blog de cuisine en 2011 pour partager mes recettes avec mes amis, ma famille et plus si affinités ! Au fil du temps, il est devenu le cœur de mon activité et s’est enrichi de plus de 2000 propositions gourmandes, dont les ingrédients privilégient la saisonnalité et la provenance locale. Je prends beaucoup de plaisir à mitonner des petits plats et autres desserts puis à les publier dans cet espace depuis ma Bretagne natale. Bonne découverte…
Le sirop d’érable est un produit 100 % naturel, sans agent de conservation, sans colorant ni saveur artificielle : il est uniquement issu des érables à sucre (acer saccharum) à 80% ou des érables rouges (acer rubrum) pour les 20% de production restants.
Ce sont des arbres que l’on trouve dans la partie Nord Est de l’Amérique du Nord, où le climat est déterminant pour la production du sirop d’érable. Ils peuvent vivre plus de 250 ans et il faut d’ailleurs que le tronc d’un érable mesure au minimum 20 cm de diamètre pour que l’on commence à l’entailler (ce qui signifie qu’il a environ une quarantaine d’années).
Le Québec assure 72% de la production mondiale de sirop d’érable et représente 90% du sirop d’érable canadien.
Savez-vous que l’emblème que l’on retrouve sur le drapeau du Canada est une feuille d’érable ? 🍁
Les secrets de fabrication du sirop d’érable :
Les producteurs de sirop d’érable s’appellent des acériculteurs. Ce sont eux qui collectent l’eau d’érable au printemps, avant de la transformer.
Le processus démarre en été, quand les arbres créent leur sucre grâce à la photosynthèse. Cette sève permet la respiration cellulaire de l’arbre, en favorise la croissance et s’accumule dans les racines sous forme de réserve d’amidon.
A l’automne, l’érable se débarrasse d’une partie de l’eau qu’il contient et loge le sucrose au niveau de ses branches. Celui-ci agit comme un anti-gel l’hiver.
Au printemps, les branches d’arbres gèlent durant la nuit sous l’effet du froid et le gaz présent dans ses fibres se contractent.
A ce moment, la sève gèle également, mais contrairement au gaz, elle prend de l’expansion dans les fibres de l’arbre. L’eau absorbée par les racines monte à l’intérieur de l’arbre se gorgeant par là-même des réserves de sucre. Sève et amidon se combinent pour former “l’eau d’érable”.
Au printemps, c’est l’alternance du gel et du dégel entre la nuit et le jour qui provoque la coulée de l’eau d’érable. Quand la température se réchauffe et que les branches dégèlent, la sève devient liquide et est poussée par les gaz vers le tronc de l’arbre.
C’est à ce moment que les acériculteurs interviennent, en entaillant les érables. Il est essentiel que les nouvelles entailles se trouvent à bonne distance de celles des années précédentes pour que les érables cicatrisent bien. Si l’arbre est assez gros, on peut y percer plusieurs entailles.
Des chalumeaux en métal (photo ci-dessus) sont fichés dans les entailles, pour permettre à l’eau d’érable de s’écouler dans les chaudières en métal accrochées juste en dessous.
Cela nécessite de venir relever l’eau d’érable régulièrement pour la transformer car elle ne se conserve pas. C’est la méthode traditionnelle encore utilisée par les exploitations artisanales.
Car on utilise désormais également des tubulures étanches qui conduisent l’eau d’érable par gravité ou par pompage dans de plus gros contenants, comme l’énorme conteneur ci-dessous, ou même directement à la cabane à sucre. Cette pratique s’est mise en place dans les années 70.
Selon la Fédération des Producteurs Acéricoles, 98% des producteurs acheminent l’eau d’érable ainsi. C’est certes moins “charmant” mais également moins éprouvant physiquement pour les acériculteurs.
Toute la récolte annuelle de l’eau d’érable s’effectue sur une période d’environ 20 jours, s’étendant dépendamment des années, de fin février au mois d’avril.
C’est l’acériculteur qui décide du moment où il commence l’entaillage. Entaillé trop tôt, l’érable peut parfois colmater partiellement l’orifice et réduire le volume d’eau prélevé. Trop tard, certaines journées de coulée seront manquées…
Fabrication du sirop d’érable :
En tout cas, c’est au sein de la cabane à sucre que la magie opère ! La sucrerie se trouve au sein de l’érablière et abrite les cuves où le sirop d’érable va être fabriqué (l’odeur y est vraiment fantastique !).
Il faut en moyenne 40 litres d’eau d’érable pour obtenir un litre de sirop d’érable. Et pour que l’eau d’érable devienne du sirop, il faut la faire bouillir jusqu’à ce qu’elle atteigne 66 degrés Brix, c’est à dire 66% de taux de sucre. En fait, quand l’eau bout, son sucre et ses acides aminés se combinent, produisant un sirop caramélisé : ce phénomène chimique s’appelle la réaction de Maillard, du nom d’un chimiste français du 19e siècle. C’est la même réaction qui survient lorsqu’on grille du pain ou qu’on fait cuire de la viande.
Il faut maitriser le processus car si le sirop d’érable n’a pas suffisamment bouilli, des problèmes de fermentation peuvent survenir, mais s’il a trop bouilli, des cristaux de sucre peuvent se former.
De même, un sirop chauffé à trop haute température aura mauvais goût, s’il mijote trop longtemps, il sera très foncé…
Dans certaines érablières, la technique de l’osmose inversée est utilisée en premier lieu pour concentrer le sucre de l’eau d’érable et utiliser moins d’énergie.
Un cylindre filtre l’eau d’érable et sépare l’eau déminéralisée de l’eau d’érable qu’elle contient. Celle-ci est de ce fait plus concentrée en sucre (10% à 20% au lieu de 2% à 3%) quand elle parvient à l’évaporateur. Il faudra donc la faire bouillir moins de temps pour obtenir du sirop.
Après filtration, le sirop d’érable est emballé à chaud afin de bien stériliser les contenants. Cette pratique existe depuis les années 1920 / 1930 car les familles possédaient des sertisseurs pour mettre en conserve leurs provisions de viande ou de poisson de l’année.
A l’époque, le sirop ne se conservait pas plus d’un mois et tout a changé avec la mise en conserve. Il faut d’ailleurs savoir qu’une “canisse” (conserve) de sirop d’érable fermée se conserve plusieurs années et ne comporte pas de date de péremption.
En revanche, dès qu’elle est ouverte, il faut la conserver au réfrigérateur, dans un contenant hermétique. Dans tous les cas, il ne faut le laisser dans la conserve ouverte ni l’exposer à l’air trop longtemps.
Il semblerait que les premières cabanes à sucre soient apparues vers 1850 et que la “bouilleuse” – une version brevetée par les Frères Small d’une invention américaine – ait remplacé les chaudrons vers 1889. Au début des années 50, le sirop d’érable commence à être commercialisé dans des conserves en métal.
La toute première illustration – au milieu sur la photo ci-dessous – a fait l’objet d’un concours lancé par le Ministère de l’Agriculture en 1951. Aujourd’hui, il existe de nombreuses illustrations mais aussi de nombreux formats et contenants.
L’étiquetage des produits de l’érable :
Les conserves conçues pour le conditionnement du sirop d’érable contiennent déjà un certain nombre d’informations dont bien évidemment la mention “sirop d’érable”, son origine (eg : produit du Québec), l’indication exacte de la quantité, le tableau des valeurs nutritives et le numéro du lot ou le code de production.
Le producteur acéricole ou le transformateur se doit d’ajouter d’autres informations obligatoires notamment :
- La catégorie à laquelle appartient le sirop d’érable.
- La classe de couleur du sirop.
- Le nom et l’adresse de l’exploitant d’érablière, du fabricant, du préparateur, conditionneur, emballeur, fournisseur ou distributeur
C’est aussi l’assurance que vous achetez du sirop d’érable de provenance directe et non un sirop d’érable constitué d’un mélange de sirops de différents producteurs.
La production est inspectée et classifiée par un organisme indépendant.
Le goût du sirop est également variable suivant le type d’érable entaillé, la composition du sol, la situation géographique, etc. Un vrai sucre forestier issu du terroir !
Classification des différents types de sirop d’érable :
En tout début de saison, l’eau d’érable coule lentement et est peu sucrée. L’acéricultrice que j’ai rencontrée m’a expliqué qu’il était presque inutile de la faire bouillir car elle n’est pas assez concentrée en sucre.
Avec l’avancement de la saison, les types de sucre présents dans l’eau d’érable changent. La teneur en fructose et en glucose augmente, tandis que celle en saccharose diminue légèrement. Les acides aminés et les minéraux naturellement présent dans celle-ci varient également.
Plus la saison avance, plus le sirop donné par l’eau d’érable devient foncé et caramélisé. Le plus clair est bien souvent apprécié à la dégustation alors que le foncé pourra être préféré pour la cuisine.
Bien entendu, chacun l’utilisera à sa guise, d’ailleurs le slogan du groupement acéricole est “le meilleur sirop d’érable, c’est celui que vous préférez”…
La règlementation concernant la classification du sirop d’érable a changé en 2017 pour uniformiser toutes les définitions. La couleur du sirop d’érable et son classement sont déterminés par la transmission de la lumière à travers le sirop. Cette mesure s’effectue à l’aide d’un spectromètre.
- Le sirop extra clair est devenu le sirop doré, goût délicat (transmission de lumière supérieure ou égale à 75%). Réputé pour être le plus subtil, il s’utilise tel quel sur les glaces, les yaourts, etc.
- Les sirops clair et médium sont regroupés sous le nom de sirop ambré, goût riche (transmission de lumière entre 50% et 74,9%). On peut l’utiliser pour napper les desserts, les gaufres et pancakes, les crêpes mais aussi par exemple pour confectionner des vinaigrettes…
- Les sirops médium, ambré et foncé ont désormais l’appellation sirop foncé, goût robuste (transmission de lumière entre 25% et 49,9%). En raison de son goût plus soutenu, il fait merveille en pâtisserie.
- enfin le sirop foncé est devenu le sirop très foncé, goût prononcé (transmission de lumière inférieure à 25%). On l’utilise pour les marinades, les sauces, pour laquer les viandes, etc.
Le sirop d’érable est un des produits vendus sans taxes à ajouter. Au Québec, lorsque vous faites des achats, le prix indiqué est Hors Taxes. Il faut y ajouter la TVQ (Taxe de Vente du Québec) et la TPS (Taxe sur les Produits et Services), soit environ 15%. Mais le sirop d’érable et quelques-uns de ses dérivés y font exception.
Ainsi, il n’y a pas non plus de taxes sur le beurre d’érable, la tire d’érable, le sucre d’érable mou, le sucre d’érable granulé et la gelée d’érable.
En revanche il y en a sur la tire sur la neige, les cornets de beurre d’érable, les bonbons en sucre d’érable, les bonbons à l’érable et les chocolats fourrés à l’érable… 😅
Les produits dérivés de l’érable :
Vous avez donc compris que le sirop d’érable contient 66% de sucre. Si on poursuit le chauffage du produit, celui-ci se concentre davantage et on obtient :
- de la tire d’érable (83 à 86% de sucre) voir ci-dessous.
- du beurre d’érable (86 à 87% de sucre), qui a été inventé en faisant bouillir le sirop d’érable à 112°C. Son nom pourrait induire en erreur, mais il ne contient pas de matière grasse. C’est le barattage qui lui donne sa texture.
- du sucre d’érable (88% et plus). Les flocons d’érable s’obtiennent en lyophilisant le sirop d’érable.
La tire sur la neige est un grand moment de la saison des sucres ! On fait bouillir le sirop d’érable pour le concentrer, puis quand il est bien épais, on le verse sur de la neige fraiche et tassée pour le refroidir.
Il suffit ensuite d’enrouler la tire d’érable autour d’un bâtonnet de bois puis de déguster. C’est irrésistible !
Le Temps des sucres :
Au XIXème siècle, le temps des sucres marquait la sortie de l’hiver et l’arrivée du printemps, mais aussi la fin de l’isolement dans les campagnes.
Les voisins se retrouvaient au moment de la fabrication du sirop d’érable pour partager un repas cuisiné avec le sirop fraichement bouilli. Puis progressivement, la tradition s’est perpétuée, les cabanes commerciales ont été créées et aujourd’hui encore, on prévoit avec plaisir une sortie à la cabane à sucre, pour un repas généralement assez roboratif.
On peut y manger par exemple (liste non exhaustive) :
- des cretons
- des betteraves marinées
- de la soupe de pois
- du ketchup aux fruits
- des oreilles de crisses (du lard salé grillé)
- des fèves au lard
- des oeufs dans le sirop ou une omelette soufflée à l’érable
- du jambon fumé au sirop d’érable
- de la salade de chou
- de la tourte québécoise ou du pâté à la viande
- du ragoût de boulettes
- des saucisses
- etc…
Et pour se sucrer le bec :
- des crêpes
- du pouding chômeur
- des grand-pères dans le sirop
- de la tarte au sucre
- des pets de soeur
- de la tire d’érable sur la neige, expérience ultime !
Je vais être très honnête : je n’ai pas eu l’expérience gastronomique de ma vie ce jour là car ce déjeuner avait l’air de sortir tout droit de boites de conserve, réchauffé au micro-ondes : insipide, ce qui est un comble pour de la nourriture supposée être cuisinée avec du sirop d’érable. Même les crêpes n’étaient pas bonnes… Pas de chance !
Sans parler d’une bande-son de 20 minutes environ composées de reel québécois pour faire authentique, tournant en boucle et donc un peu lassant à la fin… 😆
Certaines cabanes à sucre sont désormais ouvertes toute l’année, c’est devenu un incontournable touristique et cela a quelque peu dévoyé l’authenticité de l’affaire. J’imagine que l’on peut se laisser séduire par l’ambiance qui est malgré tout très dépaysante.
Si vous êtes gourmet, il y a bien évidemment des cabanes à sucre qui proposent des menus élaborés à base de produits locaux et de qualité, cuisinés sur place. En voici par exemple une liste, à retrouver sur le site Tastet. D’autres offrent également des alternatives végétaliennes…
La liste de toutes les cabanes à sucre classées par région en cliquant ICI.
Les qualités nutritives du sirop d’érable :
Le produit pur qu’est le sirop d’érable contient un grand nombre de minéraux et de vitamines : 66% de sucre, 33% d’eau et 1% de composantes bioactives diverses, dont du manganèse (72%), riboflavine (27%), cuivre (17%) et calcium (6%).
On trouve dans sa composition 67 polyphénols différents (des antioxydants naturels) , dont 9 lui sont propres, incluant le Québécol découvert en 2010. Ce dernier serait issu des réactions chimiques se produisant au cours de la transformation de la sève en sirop et aurait des qualités anti-inflammatoires.
37% de la production acéricole québécoise est certifiée biologique. Elle se caractérise par un cahier des charges très rigoureux et notamment des pratiques d’aménagement respectueuse de l’érablière et de son écosystème (pratiques d’entaillage, entretien, techniques de conversion de l’eau en sirop, etc.). Les amendements autorisés sont la cendre de bois, la chaux agricole et certains engrais naturels.
Depuis quelques années, on peut également acheter de l’eau d’érable pasteurisée, un produit forcément très légèrement sucré.
On profite de ses bienfaits en la dégustant nature, en faisant des glaçons avec, en la glissant dans des jus détox ou des smoothies. Et pourquoi pas pour déglacer des jus de cuisson, pour préparer des marinades, etc. La certification NAPSI vous assure un produit authentique, pur et 100% naturel.
Le sirop d’érable est du sucre, avec des qualités gustatives et un indice glycémique plus intéressant que le sucre blanc. Vous pouvez retrouvez de très nombreuses recettes avec du sirop d’érable ou du sucre d’érable sur le blog.
N’hésitez pas à tester les entrées, plats ou desserts réalisés avec ce merveilleux or liquide…
Voici deux vidéos de présentation de la fabrication du sirop d’érable :
Celle-ci est une vision un peu plus industrielle mais tout aussi authentique :
Cet article a été écrit en consultant le site consacré à l’érable du Québec, celui des Producteurs et Productrices Acéricoles du Québec et Wikipedia.
Si vous souhaitez approfondir cette découverte, je vous recommande le livre d’Anne Fortin Cuisiner avec le sirop d’érable du Québec, le livre de Martin Picard La Cabane à Sucre du Pied de Cochon, un vrai ovni et surtout un très bel ouvrage et enfin Incroyable Érable de Philippe Mollé, qui vient de paraitre.
Je termine avec quelques clichés supplémentaires de mon séjour dans la Belle Province :
très intéressant ton article sur le sirop d érable j ai appris bien des choses . merci beaucoup
superbes photos
Article complet et bien documenté , bravo