En visite à l’usine des thés Dammann Frères à Dreux

Il y a quelques semaines, j’ai été invitée à Dreux pour une visite de l’usine de la maison Dammann Frères, ainsi qu’à une journée de formation autour du thé.

Nous avons eu le plaisir d’être reçus par les experts de la maison, qui ont eu à cœur de nous faire partager leur passion et nous ont donné beaucoup d’explications sur leur métier. Je me propose de vous faire à mon tour découvrir ce que j’ai appris de cette rencontre.

A propos

Bienvenue sur Turbigo-Gourmandises ! Je m’appelle Sophie Seïté et j’ai créé ce blog de cuisine en 2011 pour partager mes recettes avec mes amis, ma famille et plus si affinités ! Au fil du temps, il est devenu le cœur de mon activité et s’est enrichi de plus de 2000 propositions gourmandes, dont les ingrédients privilégient la saisonnalité et la provenance locale. Je prends beaucoup de plaisir à mitonner des petits plats et autres desserts puis à les publier dans cet espace depuis ma Bretagne natale. Bonne découverte…

Tout d’abord, saviez-vous qu’il existe 5 grands familles de thé (blanc, vert, noir, oolong et pu-erh) qui sont en fait issues d’une seule et même plante, le camellia sinesis – nom scientifique du théier ? C’est la façon dont les feuilles vont être traitées qui va faire toute la différence.

Ainsi, le thé blanc est uniquement fabriqué avec les bourgeons, récoltés une fois par an. Celle-ci se fait à la main, car en raison de la typographie, c’est très difficilement mécanisable. Il y a des petits poils blancs sur les bourgeons, qui ne sont pas roulés du tout. C’est pourquoi la caféine ne s’infuse pas dans la tasse et qu’il y a moins d’amertume.

cueillette des feuilles de thés
A l’inverse, le thé noir est flétri, roulé pour casser les fibres et oxydé avant d’être séché.
Le thé oolong est celui qui nécessite le plus de manipulation. Il est brassé pour permettre l’oxydation en bordure des feuilles.

Ce n’est pas la fermentation, mais bien l’oxydation qui modifie le thé, sauf pour le thé sombre (pu-erh). Dans ce cas, il se garde longtemps et prend de la valeur car il se complexifie et s’adoucit. Il existe de des caves à thé de grands valeurs en Chine.

concept oxydation du thé

Marine Sonié est l’acheteuse de thé de Dammann Frères. Elle passe une partie de son temps à l’étranger, où elle source les thés pour la marque.

Cette autodidacte a une formation d’ingénieur agronome et a notamment mené un projet de recherche en Australie sur l’impact de la quantité d’engrais et la climat sur le taux de caféine et de catéchines dans le thé. Elle déguste et sélectionne les thés de Chine et du Japon qui seront vendus par Dammann Frères.

Au moment des récoltes, elle part à la rencontre des producteurs avec Emmanuel Jumeau-Lafond. Ils dégustent les premières récoltes et sélectionnent les produits.

Marine Sonié acheteuse de thés chez Dammann Frères

Suivant les pays, les règles du marché peuvent être très différentes. Ainsi, en Chine, les achats se font en direct auprès de sociétés privées (producteurs, exportateurs et / ou broker). Mais le mode de production et de vente est complètement différent au Japon : tout s’y passe en 2 étapes.

Dans un premier, la production de thé brut « Aracha » est vendue. Ce thé est alors raffiné, puis de nouveau revendu. Il est très rare que ces deux étapes soient réalisées par les mêmes personnes.
C’est à la fin de ce parcours que Dammann Frères peut acheter leur production.

En Inde et au Rwanda, les achats s’effectuent en direct. Les grands crus sont achetés directement dans les plantations (thé premium). Les anciennes colonies britanniques qui faisaient commerce du thé recourent encore au système de ventes aux enchères. Elles sont généralement proches de ports (Colombo, Kinshasa, Ceylan, etc.).

Les brokers « négociants » envoient chaque semaine des échantillons des thés récoltés et produits la semaine précédente. L’acheteur propose un prix maximum selon l’intérêt qu’il porte au produit.

Le thé s’achète par lots allant de 10 kg à 3 tonnes. Le Taiping Houkui ramassé à la main à Anhui est le thé le plus cher au monde. Le plus consommé est le keemun (Qimen), un thé noir provenant de Chine.

Une plantation peut faire travailler environ 600 à 700 cueilleuses. La famille, l’éducation, la religion et la santé y sont pris en charge. On compte 2500 personnes par plantation.

Thés Dammann Frères à Dreux

Les règles de qualité auxquelles Dammann Frères a choisi de se plier sont strictes car c’est à ce prix que l’on propose des produits irréprochables. Ainsi les thés sont testés afin de mesurer les pesticides potentiellement présents. Si les relations de confiance s’établissent sur des années, nul n’est à l’abri d’une défaillance d’un fournisseur.

Les échanges avec les producteurs sont importants, pour mesurer ce qui a pu se passer durant l’année car il ne faut pas oublier que, comme pour la vigne, c’est la nature qui commande.
La radioactivité est également testée pour les lots japonais.

Dammann Frères importe 1000 tonnes de thé par an, dont 100 tonnes de tisane et 30 tonnes de rooibos. Ainsi, 101 000 00 de sachets de thé cristal ont été produits en 2015. Tout est fabriqué à Dreux. 2 tonnes de produits en vrac passent chaque jour sur les 2 lignes de fabrication. La société emploie 100 personnes à la production.

Emmanuel Jumeau-lafond, tea-blender de Dammann Frères

Emmanuel Jumeau-Lafond est tea blender. Non seulement il achète des thés d’origine, mais il crée également des blends, c’est à dire des mélanges de thés. Il combine et assemble ceux-ci pour créer de nouveaux mélanges uniques.

Cela nécessite de connaître un certain nombre de règles : quels thés sont disponibles, à quelle période de l’année, les spécificités en termes de goût et de terroir.

Pour exercer ce métier, il faut éduquer son palais. Ainsi pendant des années Emmanuel Jumeau-Lafond a inlassablement goûté des thés chaque jour sous la houlette de son père et de son oncle.

Saison après saison, il s’assure de la constance du goût d’un assemblage afin de ne pas dérouter et décevoir les clients. Pour cela, des dégustations quotidiennes sont nécessaires. Chaque semaine, les lots reçus sont dégustés (critères visuels, aromatiques, etc.) puis classés et attribués pour une utilisation ultérieure.

Il existe 2 catégories de blend :

  • des mélanges de thé de la même origine provenant de différents lots.
  • des mélanges de thé de différentes origines mais de qualité et de grades équivalents.
Décor pour les thés Dammann Frères
Type de décor pour les thés Dammann Frères

Gabrielle Duvette est acheteuse de plantes à infusion, thés rares et décors. Il existe 3 grands familles d’infusions :

  • les rooibos
  • les carcadets
  • les tisanes

Son objectif est de créer des produits plaisir, sans caféine et avec ou sans aromatisation.
 Elle doit s’assurer également d’acheter de beaux produits dans le visuel est important. Comme pour les thés, il faut s’assurer de la constance organoleptiques des produits.

Aline Guglielmino Taillefer est l’aromaticienne de la maison depuis 2000. Son métier consiste à sélectionner les huiles essentielles et les arômes nécessaires à la préparation de créations parfumées.

Elle considère qu’il faut entrer en résonnance avec le goût du thé, celui des huiles essentielles et des arômes. Pour chaque création, si le brief est conventionnel, l’inspiration est totalement personnelle.

Les critères de validation lors d’une dégustation de thé parfumé sont :

  • l’attaque en bouche
  • l’équilibre / thé arômes
  • la caractéristiques du goût et de l’adéquation avec le brief
  • la longueur en bouche
  • la rémanence

Le grand goût russe de la maison Dammann Frères est un Yunnan pour la toile, avec des notes de citron caviar. Un arôme n’est pas protégé par un brevet, aussi on le complexifie pour éviter la copie.
Il faut environ 30 essais pour obtenir le mélange souhaité.
 La marque réalise 15 à 20 nouveaux mélanges par an.

La consommation de thé en France se chiffre autour de 200 à 240 g par habitant et si elle n’est pas en augmentation, en revanche, sa valeur a été multipliée par 10. C’est devenu une occasion gourmande, un moment de dégustation.

Dammann Frères

Nous avons également visité l’usine et notamment les lignes de fabrication des sachets Cristal :

fabrication des sachets Cristal chez Dammann Frères

et goûté les délicieuses “spécialités” de thé :

petit-déjeuner thés Dammann Frères

Dammann Frères en quelques dates :

1692  Le privilège exclusif de la vente de thé en France est accordé par Louis XIV au Sieur Damame. Il se voit accorder le privilège exclusif de vendre, faire vendre et débiter seul à l’occasion tous les cafés, les thés, les thés et les chocolats.

1825 Dammann Frères rachète la société Derode négociant en thés et vanille, reprenant l’activité d’un comptoir de thé installé à Batavia.

1925 Pierre & Robert Dammann dirigent l’entreprise. Ils ouvrent un comptoir d’épices à Tamatave et un second à Paris.

1926 Un comptoir de thés est ouvert à New York sous l’impulsion de Véra Dammann.

1932, Dammann Frères devient le seul fournisseur officiel de la French Line, la Compagnie Générale Transatlantique.

1949 Jean Jumeau-Lafond arrive dans l’entreprise, qu’il dirige en compagnie de Robert Dammann. Désormais le thé devient le négoce exclusif de l’entreprise. Alors que les premiers supermarchés ouvrent en France, il réalise que l’entreprise doit développer un réseau de distribution de luxe et parcourt la France avec son vélo solex pour y parvenir. Il impose les thés en vrac de la maison dans les épiceries fines.

1950 Jean Jumeau-Lafond créée le désormais célèbre « Goût Russe » en hommage à son épouse Douchka qui déteste la Bergamote. Il parfume le thé par effleurage avec des huiles essentielles.

1980 le sachet Cristal© est mis au point par Didier Jumeau-Lafond et le Dr Sano. C’est une véritable innovation et révolution dans le monde encore fermé des consommateurs de thé. Il publie le 1er guide de l’amateur de thé.

2005 Dammann Frères devenu fournisseur des plus grandes maisons d’épicerie fine et de gastronomie, signe ses produits et ses recettes. La marque se dote d’une nouvelle identité visuelle et les gammes de produits se redéploient. En tout, 3200 mélanges exclusifs ont été créés.Pa

2007 Deux ans après avoir intégré le groupe Illy, celui-ci devient l’actionnaire majoritaire. Le premier site de ventes en ligne est lancé dans la foulée.

2008 La première boutique Dammann Frères ouvre à Paris, telle une vitrine raffinée des savoir-faire développés et maîtrisés au sein de l’entreprise. Une seconde boutique s’ouvre l’année suivante, ainsi que de nombreux corners.

2011 L’entreprise déménage à Dreux, une installation et une organisation de la production qui permettent de projeter l’entreprise vers un développement et un avenir prometteur.
Ouverture d’une première boutique et d’un salon de thé Dammann Frères au Japon à Osaka, première étape d’une reconquête à l’international. Ouverture d’une troisième boutique à Paris.

2012  Malgré un environnement macro économique morose, le développement se poursuit. Dammann Frères est désormais présent sur 62 pays à l’étranger.

thés Dammann Frères

4 réflexions au sujet de “En visite à l’usine des thés Dammann Frères à Dreux”

  1. Madame, monsieur,
    je suis actuellement en 1er et mon sujet de BEP est sur le thé. J’ai donc choisie votre marque et je voudrai quelques renseignement si possible.
    – Quelle est la composition du thé sencha fukuyu ?( n’y a t-il que des feuille de thé vert?)
    – Comment et avec quelle matières premières son produit les sachets cristal?

    Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, madame, monsieur, à mes salutation distingué.

  2. Bonjour,

    Avez vous prévu une date de visite de vos locaux en aout 2019 ?
    Merci de votre réponse

    D DENOUE

  3. Bonjour, tout comme vous le souhaitez le faire, j’ai visité les locaux de Dammann Frères mais je n’y travaille pas. Il faut que vous les contactiez directement.
    Excellente journée,
    SOphie

Laisser un commentaire